En lisant "Éléments"

Éléments est une revue de référence de la droite nationale. Elle est le vaisseau amiral de la "Nouvelle Droite", mouvement intellectuel néo-païen qui irrigue le camp national en concepts depuis 50 ans. Je lis cette revue depuis 2012. Qu'ai-je appris en 10 années de lecture d'Eléments ? Finalement pas grand chose pour être honnête. 

J'y ai lu beaucoup d'articles érudits sur Dumézil (linguiste spécialiste des langues indo-européennes). J'y ai découvert l'œuvre d'Olivier Rey, chrétien partisan de la décroissance. Et puis... finalement pas grand chose. Alors, pourquoi aussi peu de souvenirs marquants ? Sans doute car cette revue a la fâcheuse tendance de tourner autour du pot, de ne pas appeler un chat un chat.

Vous ne trouverez jamais dans Eléments le mot race par exemple. Il est souvent caché sous le mot culture. L'Europe est également un nom de code pour parler du monde blanc. Sans parler des différents penseurs de gauche dépassés qui sont récupérés et relégitimés par la revue. Si on était méchant, on pourrait dire qu'Eléments est le centre de recyclage des idées ringardes de gauche. 

Mais assez des jugements globaux, lisons ensemble le numéro 205 de la revue (décembre 2023). À la une, on trouve le portrait de Jean Claude Michéa. C'est un marxiste. Depuis 10 ans cet intellectuel de gauche affirme que le libéralisme économique est forcément lié au libéralisme culturel. En plus de l'erreur fondamentale de cette thèse (le régime de Pinochet est un contre-exemple), on n'a jamais vu un soutien clair de ce penseur à un candidat de la droite nationale. 

Arrivent ensuite les pages "Sciences" de la revue. C'est dans ces pages que l'on trouve encore de la manière la plus honnête l'origine doctrinale du GRECE : la défense du patrimoine biologique des Européens, et nous ne critiquerons pas cet aspect, bien au contraire. 

Mais ces pages d'archéologie ne parlent jamais du Moyen Âge européen... On comprend pourquoi : il faudrait évoquer la Chrétienté, ce que ne veut jamais faire la revue dans un exercice de Grand Effacement, de cancel culture avant l'heure.

 Tout se passe comme si, pour les contributeurs de la revue, le catholicisme n'avait jamais existé... Ainsi, jamais d'articles sur les cathédrales, les Templiers, Saint Thomas d'Aquin... En revanche, vous pourrez lire chaque mois dans Éléments la dernière recension du livre d'un intellectuel de gauche ringard...

C'est bien là le problème de cette revue : dans sa guerre culturelle, elle ne fait que relégitimer la gauche au moment où cette dernière vit un réel déclin idéologique. Pour le dire autrement, selon Éléments, pour être crédibles, les idées de droite doivent être adoubées par la gauche. 

Les politologues ont d'ailleurs décrit le projet d'Eléments : produire un "gramscisme de droite". Gramsci est un penseur socialiste opposant à Mussolini qui pensait que la victoire idéologique précédait toujours la victoire politique, et non l'inverse. Pour qualifier son ambition, la Nouvelle "Droite", une fois de plus, fait appel à un penseur de gauche...

Ainsi, toujours dans le même numéro de décembre 2023, on peut lire un article sur Michéa, Jacques Julliard, Christophe Guilly, penseurs qui ont "quitté la gauche" soi-disant. S'ils critiquent le PS, ils n'ont jamais pour autant appelé à voter pour un candidat de la droite nationale. On est loin d'un Doriot ou d'un Déat qui eux effectivement avaient réellement quitté leur famille politique d'origine. 

Dans le même article, on peut lire cette affirmation délirante : "Michéa m'a amené à relire Marx et Proudhon à nouveaux frais et à comprendre que le socialisme (tout comme l'anarchisme) est par nature extérieur au spectre gauche-droite". Or rien n'est plus faux. 

Le socialisme est bien la quintessence de la gauche, une erreur moderne que le pape Pie IX a condamné dans son Syllabus en 1864. Mais vous imaginez Éléments faire référence à la pensée d'un pape ? Horresco referens !

Le numéro de décembre se poursuit avec un entretien du conseiller spécial de Marine Le Pen : Jérôme Sainte Marie. C'est un ancien trotskiste. Eh oui... Vous aurez du mal à trouver un penseur réellement de droite dans Eléments... Ça doit être vulgaire certainement... 

Sainte Marie, comme tout bon trotskiste qui se respecte, réduit les comportements politiques aux intérêts de classe, bref à un simple matérialisme... 

S'ensuit un article de critique du wokisme, accusé de racialiser à nouveau le débat à gauche... Rendez-vous compte : quelle horreur ! Le retour de la question raciale !

Mais le meilleur arrive : un éloge de l'hindouisme par Hervé Juvin (autre conseiller de Marine Le Pen décidément...). Faire un éloge du catholicisme authentique, c'était un peu trop convenu pour Eléments. La revue "identitaire" préfère donc tresser des lauriers à la religion de l'Inde, c'est à dire une religion étrangère à la civilisation européenne et occidentale. 

Enfin, la revue se termine par 10 pages dithyrambiques en l'honneur d'Alain de Benoist et de sa bibliothèque de 100 000 ouvrages. En lisant ce culte de l'érudition, on pense alors à la phrase de Machiavel : "Il y a des hommes qui savent tout ; et c'est tout ce qu’ils savent..." 

Il est donc nécessaire de critiquer la Nouvelle Droite, comme Guillaume Faye, Philippe Baillet ou Pierre Hillard ont pu le faire. Nous enfermant dans un tiers mondisme d'un autre âge, prisonnière d'un matérialisme païen, elle occulte toute la richesse spirituelle de la France et de l'Occident, cette belle doctrine nationale-catholique qui permettra le sursaut de notre civilisation. 

À l'adolescence, on lit les "Inrocks" et Kropotkine ; jeune adulte, on lit "Éléments" et Nietzsche ; passé trente ans, il est temps de lire Joseph de Maistre et Saint Thomas d'Aquin.  




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