Terry Gilliam et Don Quichotte
Terry Gilliam, après 25 ans de péripéties, nous livre enfin sa version de Don Quichotte. Le film est baroque et c’est le moins que l’on puisse dire. Cela change des films de superhéros hollywoodiens. C’est même un miracle de pouvoir voir un de ces films à nouveau sur les écrans. C’est un film qui propose une véritable démarche artistique. Certaines scènes peuvent faire penser à Sacré Graal, le célèbre film des Monty Python. Le film est appréciable en raison de sa folie, de son originalité. C’est une réécriture habile de Don Quichotte. C’est aussi une réflexion personnelle sur la création cinématographique.
J’aime les films dans lesquels on peut déceler deux ou trois plans que l’on mémorisera longtemps. C’est le cas de ce film. Un travelling arrière où l’on voit apparaître un vieux cordonnier qui fait son métier… C’est un exemple de ces plans qui marquent. Surtout, au delà de la folie des personnages et de l’histoire, ce que l’on retient du film, ce sont ses décors, ses costumes.
Gilliam joue avec la frontière du rêve et de la réalité. On ne sait pas immédiatement si l’on est dans l’imaginaire, dans l’onirique. Surtout, Gilliam ne nous communique pas tout de suite toutes les informations du scénario : c’est au spectateur de reconstituer l’itinéraire des personnages. Le film étant riche en symboles, l’interprétation du film pourrait prendre des dizaines et des dizaines de pages
Il reste chez Terry Gilliam ce côté libre penseur. Il se moque ici de l’Inquisition espagnole (ce qui n’est pas très risqué à notre époque). Il se moque également de l’idéal de la chevalerie (c’était déjà le cas du roman de Cervantès, qui était déjà une parodie). On peut dès lors se poser une question : une parodie de parodie peut-elle fonctionner ? Oui, si l’on comprend que ce film n’est pas exclusivement parodique. C’est un film nostalgique, c’est un film sur la folie. Ce personnage d’acteur hanté par son rôle (joué par Jonathan Pryce) est très émouvant.
Mais l’on voit que le message de Gilliam est daté lorsqu’il veut s’essayer à la satire du monde contemporain. Où est la subversion lorsqu’il se moque de Trump, des Russes et de ceux qui ont peur des migrants ? C’est là un propos très convenu qui n’est pas le summum de la subversion.
Au delà de cela, on peut louer Gilliam pour avoir eu cette détermination à nous proposer avec ce film une oeuvre singulière, autre chose qu’un énième film de superhéros comme on en voit tous les trois mois depuis des années.