L'Exil, roman (21)
Rhémétalcès donne une fête au palais ce soir. Une manière de faire connaissance j’imagine. Je vais devoir supporter ce putois pendant des heures. Cette invitation me laisse perplexe. Est-ce une manière de me surveiller ? Auguste est capable de tout. Le soleil tombe. L’automne est là. Je ne distingue plus l’aube du crépuscule dans ce jour sans fin qu’est devenue ma vie. J’ai amené quelques volumens avec moi, j’imagine qu’on attend d’un écrivain qu’il vienne avec ses outils. L’écrivain n’est qu’un modeste artisan, tel le menuisier ou le jardinier.
Des gardes du Palais viennent me chercher dans mon île. J’embarque avec deux de mes esclaves pour rejoindre le rivage, sous bonne escorte. Le Palais est à cinq minutes en cheval. J’arrive. Le Palais ressemble à une mauvaise imitation du Parthénon. Mais plongé dans un décor et un contexte aussi barbare, il n’en paraît que plus majestueux. On me fait entrer. Une rangée de soldats et de convives mène jusqu’à Rhématelcès, qui n’a décidément pas le goût de la modestie. Il trône tel la statue chryséléphantine de Zeus au fond du Palais. Bon. Après tous les Romains vouent désormais un culte à l’Empereur… Je ne vais donc pas me moquer des pratiques de ce peuple barbare. La barbarie est dans Rome, elle nous infecte, sous les aspects du luxe et du marbre veiné.
Il se fait un silence de mort. Dans cette assemblée de spectres, je distingue de nombreuses courtisanes derrière les soldats et les convives-notables de touts sortes. Rarement avais-je vu une aussi étrange collision entre le désir et la mort. Aussi est-ce peut-être cela le pouvoir…
Des victuailles tombées je ne sais d’où inondent les tables du banquet. Chevreuils, sangliers, fruits en tout genre.