L'Exil, roman (22)



Un cri s’effiloche dans l’air. Un oiseau ? Un souffle ? Non, le vent, toujours le vent, hirsute, déchiré, qui se mêle à mes pensées. Rome était marbre, Rome était lumière, Rome était les rires des jeunes filles sous les portiques, et moi, moi j’étais syllabes et peau, mains tachées d’encre, lèvres effleurant l’interdit.

Ici, rien que la mer. Une mer de plomb, opaque, lourde de silence. Elle s’étire, elle bâille, elle me regarde.

— Je suis Ovide, dis-je, mais le vent dévore mon nom, le jette aux loups des steppes.

La nuit s’effondre, liquide et lente. Mon ombre se fond dans le limon, se mêle aux algues mortes. J’avance, pieds nus dans la boue salée, je touche l’eau, je veux Rome, je veux la brûlure du jour sur les dalles blanches, je veux les colonnes qui chantent sous les doigts du vent tiède.

Mais ici tout est rugueux. Tout est granuleux, granit et sable, pierre fendue, ciel ouvert comme une plaie.

Un cavalier passe au loin, silhouette noire sur l’horizon de fer.

— Ils ne savent pas mon langage, dis-je, ils ne savent pas que j’ai écrit le désir et la chute, la morsure et la grâce. Ils ne savent pas.

Le ressac efface mes pas, encore, encore.

J’attends. Une vague, un signe, un retour. Mais seule la nuit répond, vaste et muette, et je m’y perds, fil de cendre emporté par le vent.


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