L'Exil, roman (41)
Les vents du Pont Euxin hurlent comme une plainte millénaire. Ovide marche sur la grève, son ombre avalée par le sable froid. Il ne sait plus s’il rêve ou s’il erre aux portes d’un monde oublié. Chaque pas qu’il pose semble dissoudre le sol sous lui, comme si la terre elle-même refusait de le porter. Tout devient friable, incertain, mouvant. Il n’y a plus de contours, plus de frontières entre l’eau et la pierre, entre l’horizon et la nuit.
Il tend la main vers le ciel, mais son bras est un spectre, traversé par la lueur pâle des étoiles. Invisible. Est-il encore un homme ? Ou n’est-il plus qu’un souffle, un nom que l’Histoire abandonne ?
Alors, les astres s’ouvrent. Ils s’élancent vers lui en brisures d’or et de cendre. Le ciel n’est plus un gouffre, mais une porte. Un œil immense s’y dessine, palpitant, constellé d’éclats mouvants.
Ovide vacille. Son corps se défait, se fond en poussière lumineuse. Les mots qu’il n’a jamais écrits s’échappent de lui, s’élèvent en traînées d’encre liquide, s’accrochent aux constellations comme des prières suspendues dans le vide.
Enfin, il rejoint la lumière. Il n’est plus un exilé. Il est devenu légende, palimpseste d’étoiles dans le silence infini du firmament.