L'Exil, roman (60)
Ovide marche sur la grève noire de Tomis, le regard perdu dans l’écume. Chaque vague est un vers inachevé, chaque ressac un silence où son nom se dissout. Il pense à Rome. À sa femme. À son absence, plus vaste que la mer.
Il est Ulysse, mais sans retour.
Ulysse avait erré, certes, mais il savait qu’un port l’attendait. Une maison. Une femme tissant patiemment le fil de l’espoir.
Ovide, lui, n’a que l’exil.
Et pourtant, quelque part, elle l’attend.
Cette nuit, il écrit.
"Toi qui veilles encore sous le ciel d’Italie,
Tisses-tu ton attente en mesurant le temps ?
Comptes-tu les saisons qui tombent et pâlissent,
Ou bien ai-je déjà disparu du présent ?"
Il imagine sa femme, seule sous les voûtes romaines, où l’écho de son nom se fane. Autour d’elle, le silence grandit, le fil se rompt.
"Pénélope du banni, combien d’années encore
Ourdiras-tu d’un espoir ce destin déchiré ?
Ne vois-tu pas, déjà, la trame qui se tord,
Sous les doigts du néant qui voudrait m’effacer ?"
Mais il n’est pas Ulysse. Il n’a pas de navire.
Rome n’est plus Ithaque.
Et son exil est un fil que plus personne ne retisse.