Dominus galaxiae, chapitre 2
Chapitre II – Ad Astra Per Crucem
La foi s’était remise à voyager plus vite que la lumière.
Dans les systèmes périphériques, les balises de transmission projetaient les paroles du Pape Pie XIV à travers des ondes bénies, sculptées par des ingénieurs-théologiens. Les évangiles circulaient sous forme de codex holographiques chantants. Les confessions étaient entendues à distance, par les Archidiacres Quantique, capables d’absoudre un pénitent à dix années-lumière.
Mais partout, l’accueil n’était pas le même.
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Sur Arkhaïon, la planète des philosophes libres, les flottes pontificales furent repoussées.
Les Arkhéens, êtres graciles aux yeux d’émeraude, vénéraient la Raison pure, la logique souveraine. Ils vivaient dans des citadelles d’obsidienne suspendues à des arches magnétiques.
Lorsque le croiseur missionnaire Verbum Dei apparut dans l’orbite, le Haut-Penseur Névion adressa une communication :
> — "Nous avons étudié vos dogmes, vos mythes, vos rites. Ils sont d’un lyrisme séduisant, mais d’un contenu néant."
Pie XIV répondit par transmission sacrée, sa voix amplifiée par le chœur numérique de l’orgue spatial :
> — "Le Logos que vous adorez a pris chair. Ce que vous appelez néant est la source même de l’être."
> — "Alors nous vous répondons par le feu."
Arkhaïon lança ses flèches solaires.
Durant cent jours, le ciel de la planète brûla. Les cathédrales orbitantes furent criblées, les cloches explosèrent en silence. Pie XIV ne recula pas. Il prononça une messe à bord, chaque jour, face à la planète en flammes.
Au matin du cent-unième jour, Arkhaïon s’éteignit. Silencieusement. Un miracle ou un effacement ? Nul ne sait.
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Sur Ganydros, une planète rouge sculptée par des vents acides, la résistance fut plus souterraine. Les indigènes, hybrides humains-mutés, avaient leurs propres croyances, des dieux diffractés et lunaires.
Mais la voix du Vatican parvint à s’insinuer dans les grottes de leurs temples. Les chants grégoriens diffusés par les satellites pénétrèrent les galeries vivantes. Lentement, les prêtres mutants commencèrent à croiser leurs rites avec ceux des missionnaires.
Le Grand-Paladin Astérius, chef des Gardes Théophroniques, entra dans le temple principal accompagné d’un évangélisateur-cyborg.
> — "Nous n’avons pas l’intention de profaner vos lieux. Nous venons déposer une lumière."
Le chef des prêtres ganydriens, un vieil être dont le crâne était incrusté de nacres opalescentes, approcha lentement.
> — "Et si cette lumière nous aveugle ?"
> — "Alors nous la voilerons jusqu’à ce que vos yeux s’y habituent. Le Christ ne s’impose pas. Il attend."
Un pacte fut signé dans le sang et l’encre.
Trois mois plus tard, une croix de deux kilomètres fut plantée dans le désert rouge, visible depuis l’orbite. Les pèlerins y venaient en procession sur des montures biomécaniques, récitant le Credo Stellaris.
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Mais tout le monde n’acceptait pas.
Dans les cénacles technocratiques de Mars, dans les bastions laïques d’Hydra-9, dans les ruines illuminées d’Andros-Secundus, on parlait d’un retour à l’obscurité, d’une théocratie rampante. Une hérésie se préparait. Des voix s’élevaient, chuchotant un mot ancien :
> — Schisme.
Le Conseil de l’ombre, dirigé par les Révisionnistes, cherchait déjà à infiltrer les satellites vaticans, à corrompre les versets, à diffuser des contrefaçons du Nouveau Testament contenant des virus narratifs capables de générer le doute.
Le Pape, informé, resta impassible.
> — "La vérité n’a jamais été un consensus. Elle est une épée que l’on porte, même seul."
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Et alors, un signal.
Une anomalie.
Une zone stellaire sans lumière, ni matière. Un système fantôme, à l’extérieur de la carte cosmique. Mais saturé de voix. De murmures. De refus.
Le Pape regarda la carte stellaire, qui palpitait comme un cœur malade. Il prononça doucement :
> — "La dernière étoile."
> — "Planète Négative," murmura le cardinal Valmont.
> — "Nous partons."
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