Dominus galaxiae, chapitre 3
Chapitre III – Lux Aeterna
Ils mirent deux semaines standard pour atteindre le système Nulla Lux.
Là-bas, il n’y avait rien.
Pas d’étoile. Pas de planètes visibles. Juste une zone d’espace froid, sans radiation, sans matière, mais d’où émanait un signal constant : un chant de désespoir, inaudible pour l’oreille humaine, mais perçu par les systèmes de détection spirituelle du Verbum Dei comme une forme de prière inversée.
> — "Sainteté," annonça le moine-cryptographe Léoninus, tremblant, "nous recevons un psaume... négatif. Il nie la création ligne par ligne."
> — "Impossible," murmura le cardinal Valmont. "On ne peut déchanter le monde."
> — "Et pourtant, c’est ce qu’ils font," répondit Pie XIV. "Ils chantent le silence. Il faut que j’y entre seul."
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La planète apparut soudainement dans les capteurs : un globe noir mat, plus noir que le vide qui l’entourait, sans relief, sans atmosphère, sans rotation. Comme un point final dans la phrase cosmique.
Pie XIV descendit à bord d’une capsule bénie, accompagné uniquement d’une Réplique Eucharistique — une copie physique de l’hostie originelle, gardée dans un reliquaire vivant. Lorsqu’il toucha le sol, ses pas ne firent aucun bruit.
Tout ici était absence. Même la gravité semblait douter d’elle-même.
Il marcha.
Il pria.
Et l’absence répondit.
> — "Tu n’as rien à apporter ici, Pape de chair."
> — "Je n’apporte pas. Je propose."
> — "Ton Dieu est une structure. Nous sommes dissolution. Il n’a pas sa place ici."
> — "Alors pourquoi m’avoir appelé ?"
Silence.
Puis une forme. Pas une créature. Une idée : le doute. Pur. Cristallin. L’incarnation d’une pensée qui s’auto-annule.
Pie XIV s’agenouilla.
Il déposa l’hostie au sol.
> — "Même ici... Il est présent. Parce qu’Il est aussi passé par l’absence. Il a dit : ‘Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’"
Le silence se fendit.
Une lumière. Faible. Dorée. Comme un filament.
Et l’univers sut.
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Dans l’orbite, le Verbum Dei capta une onde inconnue. Une chaleur.
> — "Quelque chose s’allume," souffla Valmont.
> — "Impossible. Ce système est mort."
> — "Pas mort. En dormition."
La Planète Négative se mit à luire doucement, comme une braise qu’on pensait éteinte. Pas une lumière violente. Une lumière d’autel. D’attente.
Trois jours plus tard, Pie XIV réapparut. Seul. Calme. Ses yeux brûlaient d’un feu tranquille.
Il ne dit rien pendant des heures.
Puis il prononça la dernière homélie de cette croisade :
> — "Il n’y a pas de monde trop loin. Pas de silence que la Parole ne puisse rejoindre. Nous avons traversé les étoiles... mais c’est dans le néant que nous avons trouvé le commencement."
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Le système Nulla Lux fut renommé Nova Petri.
Une station y fut construite : L’Abbaye du Vide, un lieu de retraite pour ceux qui doutaient. On y priait sans mots, dans l’ombre, en attendant que la lumière naisse d’elle-même.
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Et dans les archives vaticanes, la dernière ligne fut gravée :
> La galaxie est une cathédrale. Et l’univers une prière en cours de formulation.