Le Lys ressuscité
Chapitre I : Le Prince de la Tour du Temple
Paris, hiver 1795.
Dans une cellule humide, un enfant pâle fixe le mur avec des yeux d’un bleu aussi glacé que la saison. Il a dix ans mais en paraît six. C’est Louis-Charles de France, fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, que la Révolution prétend avoir laissé mourir de misère et de négligence. Mais dans l’ombre du Temple, un plan se trame.
Une conspiration royaliste — orchestrée par quelques fidèles restés dans l’ombre, dont le comte de Provence exilé à Vérone — a substitué un autre enfant malade à Louis-Charles. Le vrai Dauphin, quant à lui, a été exfiltré par un geôlier complice, et conduit à l'abri dans un couvent perdu du Limousin. Il y grandit dans le secret, élevé dans la haine des "usurpateurs" et le culte de la royauté divine.
Lorsque le Directoire s'effondre sous les coups de boutoir de Bonaparte, devenu Premier Consul, un messager arrive au couvent. Il porte une lettre scellée du sceau royal : le moment est venu. Louis-Charles, devenu Louis XVII pour ceux qui croient encore aux droits du sang, quitte la clandestinité. Il n’est plus un enfant, mais un jeune homme frêle au regard d’acier. Il a faim de justice — et de trône.
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Chapitre II : L’Aigle contre le Lys
Printemps 1800.
En Bretagne et en Vendée, les chouans reprennent les armes. Mais cette fois, ils sont organisés, mieux armés, portés par une rumeur : le Roi est vivant. Tandis que Napoléon part en campagne en Italie, Louis XVII, accompagné de fidèles royalistes et de quelques officiers ralliés, débarque secrètement à La Rochelle sous le nom de "Chevalier de Saint-Louis".
Très vite, il rallie les nobles en disgrâce, les paysans fanatisés, et même certains républicains désabusés par le coup d'État du 18 Brumaire. Une armée se forme, portant l’ancien drapeau blanc aux fleurs de lys. Elle marche sur Paris.
Dans un climat de confusion politique, plusieurs généraux hésitent. Moreau refuse de combattre le "fils légitime". Bonaparte, alerté depuis Milan, rentre précipitamment. Il tente de négocier. Il offre à Louis une place de prince, une couronne symbolique. Mais le jeune roi refuse :
> — "On ne partage pas le trône."
Une bataille éclate à Orléans. Les deux camps s'affrontent avec une rage inouïe. Louis, contre toute attente, mène ses troupes avec un mélange de ferveur mystique et de froide détermination. On dit qu’il prie avant chaque charge, qu’il confesse ses hommes comme un prêtre en armure.
Napoléon est battu. Il fuit vers l’Angleterre sous une fausse identité.
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Chapitre III : Le Lys de Sang
Juin 1800.
Louis XVII entre dans Paris sous les acclamations. Le peuple, las des guerres et des révolutions, voit en lui une figure presque christique : un roi-martyr revenu des enfers. Il rétablit la monarchie, non pas celle des Bourbons absolus, mais une royauté restaurée par l’épreuve et la foi.
Les anciennes institutions sont purgées, les Jacobins traqués. Louis, bien qu’âgé de seulement quinze ans, gouverne avec la gravité d’un vieillard. Il parle peu. Il dort peu. Il rêve souvent d’un trône de marbre entouré de têtes tranchées.
Un soir, dans le silence des Tuileries, il murmure à son confesseur :
> — "J’ai vu l’enfer. Il parle la langue de la République."
Mais déjà, en Espagne, un certain Charles IV complote. En Russie, l’empereur observe ce roi enfant avec méfiance. Et dans les ruelles de Londres, Bonaparte n’a pas dit son dernier mot…