Le national-socialisme est-il un mercantilisme ?
Introduction
Le mercantilisme est une doctrine économique née à l’époque moderne, entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Elle repose sur l’idée que la richesse d’un pays dépend de l’accumulation de métaux précieux, du développement du commerce extérieur, et d’un rôle actif de l’État dans l’économie. Le but est de renforcer la puissance de la nation par des moyens économiques.
Le nazisme, en revanche, est une idéologie politique totalitaire née au XXe siècle en Allemagne, fondée sur le culte du chef, la suprématie de la race aryenne, le rejet du parlementarisme, et une politique d’expansion militaire et territoriale.
À première vue, tout semble opposer ces deux concepts : l’un est une théorie économique pragmatique, l’autre une idéologie radicale et violente. Pourtant, le nazisme met en œuvre une économie dirigée, nationaliste et protectionniste, ce qui rappelle certains traits du mercantilisme.
Dès lors, une question se pose : le nazisme peut-il être considéré comme une forme moderne de mercantilisme, ou en est-il une déformation idéologique radicale ?
Nous verrons que si le nazisme reprend certaines logiques mercantilistes, il les transforme en profondeur au service d’un projet totalitaire, racial et guerrier, très éloigné des finalités initiales du mercantilisme.
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I. Le nazisme reprend certains principes du mercantilisme
Le premier point de rapprochement réside dans le rôle central de l’État dans la vie économique. Le mercantilisme rejette le laissez-faire : l’État doit encadrer la production, contrôler le commerce extérieur, imposer des règles douanières, et orienter l’économie vers les intérêts de la nation. Le régime nazi applique lui aussi une politique de forte intervention étatique. L’économie est planifiée, les entreprises sont encadrées, et les objectifs économiques sont dictés par les besoins de l’État. Il s’agit de préparer l’Allemagne à la guerre, à l’autosuffisance, et à la domination.
De même, le nationalisme économique est une idée commune aux deux. Le mercantilisme vise à défendre les intérêts de la nation, en assurant une balance commerciale excédentaire. Le nazisme reprend cette logique en prônant une autarcie économique, c’est-à-dire une indépendance vis-à-vis des marchés mondiaux. L’Allemagne doit produire elle-même ses ressources, substituer ses importations (comme le caoutchouc ou le pétrole), et se libérer de toute dépendance extérieure.
Enfin, le projet de puissance est un autre point commun. Le mercantilisme classique accompagne souvent les entreprises coloniales : les nations européennes cherchent à contrôler des territoires pour en exploiter les richesses. Le nazisme reprend cette logique dans sa revendication du "Lebensraum" — l’espace vital —, qui justifie la conquête de l’Est de l’Europe pour y exploiter les terres et les peuples au profit de l’Allemagne.
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II. Mais le nazisme détourne radicalement la logique mercantiliste
Malgré ces points communs, le nazisme s’éloigne profondément du mercantilisme dans ses finalités et sa logique idéologique. Le mercantilisme reste une théorie économique rationnelle, fondée sur l’intérêt matériel. Le nazisme, lui, est avant tout une idéologie raciste et totalitaire, qui subordonne l’économie à une vision du monde fondée sur la biologie, le mythe et la guerre.
La première rupture majeure concerne la centralité de la race. Dans l’Allemagne nazie, l’économie ne sert pas d’abord à enrichir l’État, mais à purifier la nation : exclure les Juifs de la vie économique, spolier leurs biens, utiliser le travail forcé des "races inférieures", etc. L’objectif n’est plus économique, mais idéologique. Il ne s’agit plus d’accumuler des richesses, mais de refaçonner la société selon des critères raciaux arbitraires.
La deuxième rupture concerne la place de la guerre. Le mercantilisme cherche à éviter les conflits inutiles, car la guerre coûte cher. Il valorise la paix commerciale. Le nazisme, lui, est une économie de guerre permanente. Dès les années 1930, le régime nazi oriente toute la production vers l’armement, l’expansion territoriale, et la préparation d’un conflit mondial. L’économie devient un instrument de conquête et de destruction, bien loin de la logique d’enrichissement pacifique du mercantilisme.
Enfin, le nazisme se distingue par un rejet du capitalisme marchand. Là où le mercantilisme valorise les échanges, le commerce, et l’accumulation, les nazis méprisent la figure du bourgeois, du commerçant, ou du banquier. Ces figures sont souvent assimilées, dans la propagande nazie, aux Juifs et au "dégénéré cosmopolite". Le travail productif, "honnête", est exalté ; le commerce est suspect. L’économie n’est plus un but, mais un moyen au service d’un mythe guerrier et racial.
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Conclusion
Le nazisme reprend certaines formes du mercantilisme : intervention de l’État, protectionnisme, nationalisme économique, rejet du libre-échange. Ces ressemblances sont toutefois superficielles.
Le mercantilisme est une théorie économique centrée sur la richesse et la puissance commerciale d’un État. Le nazisme, en revanche, est une idéologie irrationnelle, totalitaire et raciste, qui subordonne l’économie à des objectifs de domination, de purification ethnique et de guerre.
En ce sens, le nazisme n’est pas un mercantilisme, mais une instrumentalisation extrême de certains éléments mercantilistes au service d’un projet idéologique radicalement étranger à l’esprit de cette doctrine.