Le wokisme : un dadaïsme sans humour
Le terme « wokisme » s’est imposé dans le débat public comme une étiquette fourre-tout, désignant un ensemble d’attitudes, de discours et de revendications autour des questions de justice sociale, de genre, de race et de déconstruction des normes. Mais au-delà des polémiques, une lecture inattendue émerge : et si le wokisme était, au fond, une forme de dadaïsme… mais vidée de son humour ?
Le dadaïsme, né au cœur du chaos de la Première Guerre mondiale, fut un mouvement artistique et intellectuel qui entendait dynamiter les fondements de la culture occidentale. Révolté contre la logique meurtrière de la civilisation, il prônait l’absurde, l’incohérence, le refus du sens. Les dadaïstes déconstruisaient tout, riaient de tout, profanaient les dogmes avec jubilation. Ils avaient pour arme le rire, l’ironie, le scandale ludique.
Le wokisme, lui aussi, prétend faire table rase. Il déconstruit, il accuse, il déconseille, il efface. Comme le dadaïsme, il rejette les normes établies, les hiérarchies, les canons esthétiques et moraux hérités du passé. Il s'attaque aux textes, aux monuments, aux traditions, au langage. Il transforme la culture en champ de bataille idéologique.
Mais à la différence de Dada, il ne rit pas.
Là où les dadaïstes riaient de l’effondrement du sens, les wokistes s’en affligent. Là où Dada faisait du non-sens un acte de libération, le wokisme installe une nouvelle orthodoxie. L’humour y est suspect, car toujours potentiellement offensant. L’ambiguïté y est un danger, car elle pourrait masquer une micro-agression. Le sarcasme devient suspect, l’ironie considérée comme une fuite de la responsabilité morale.
Il y a dans le wokisme une gravité, une tension presque religieuse, qui fait du discours une liturgie et de la posture une pénitence. Là où Dada dansait sur les ruines du vieux monde, le wokisme patrouille pour empêcher qu’on y trouve matière à rire.
En ce sens, le wokisme apparaît comme un dadaïsme inversé : même énergie de subversion, mais sans éclat de rire. Même désir de rupture, mais sans légèreté. Même rejet de l’ordre ancien, mais sans les feux follets du jeu.
Un dadaïsme, donc. Mais sans humour. Et peut-être, sans joie.