Le catholicisme et la Nature
Contrairement à une idée reçue tenace, le catholicisme n’est pas intrinsèquement hostile à la Nature ni aux animaux. Si certains excès de l’industrialisation ou une interprétation anthropocentrique de certains textes bibliques ont pu nourrir cette perception, un examen attentif des Écritures, de la tradition et des figures saintes de l’Église révèle une vision du monde profondément respectueuse de la Création.
Dès les premières pages de la Genèse, la Nature apparaît non comme une matière vile à dominer, mais comme une œuvre sacrée, sortie des mains de Dieu : « Et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1,10). Chaque étape de la création est ponctuée par cette affirmation divine de bonté. L’homme, créé « à l’image de Dieu », reçoit une mission de gardien et non de tyran : « cultiver et garder le jardin » (Gn 2,15). Cette vocation implique une responsabilité envers la Terre et les êtres vivants, et non une exploitation aveugle.
Le récit du Déluge (Genèse 6-9), souvent interprété sous un angle moral, contient aussi un message écologique fort. Dieu ordonne à Noé de sauver un couple de chaque espèce animale. Ce geste souligne que la vie animale est précieuse aux yeux de Dieu, digne d’être préservée. Le salut ne concerne pas l’homme seul, mais toute la Création. L’alliance que Dieu conclut après le Déluge ne s’adresse pas uniquement à l’humanité, mais aussi « à tous les êtres vivants » (Gn 9,10).
Figure emblématique de l’amour chrétien pour la Nature, Saint François d’Assise (1181-1226), proclamé patron des écologistes par Jean-Paul II en 1979, a incarné une spiritualité fondée sur l’humilité et la fraternité universelle. Dans son célèbre Cantique des Créatures, il s’adresse au soleil, à la lune, à l’eau, au feu, et même à la mort comme à des frères et sœurs. Il parlait aux oiseaux, conversait avec les loups, et voyait dans chaque créature un reflet de la gloire divine. Pour François, aimer Dieu impliquait d’aimer toutes ses créatures, sans hiérarchie rigide entre l’homme et l’animal.
Loin d’ignorer les enjeux écologiques contemporains, l’Église catholique s’en est emparée avec vigueur. L’encyclique Laudato Si’ (2015) du pape François marque une étape décisive. Le texte invite à une « conversion écologique », dénonçant la logique de consommation et d’indifférence qui détruit notre planète. Le pape y affirme clairement que « tout est lié », que le sort de la nature et celui des plus pauvres sont interdépendants, et que la Création est « une maison commune » que nous devons préserver.
Le document s’appuie sur la tradition franciscaine, mais aussi sur les Écritures, la théologie, la science et la sagesse spirituelle. Il appelle au respect de toutes les formes de vie, dénonçant l’exploitation brutale des animaux et l’extinction massive des espèces comme des signes d’un déséquilibre moral et spirituel.
Dans la tradition catholique, le monde n’est pas un simple décor matériel, mais un lieu de présence divine. Le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ, l’eau du baptême purifie, l’huile consacre. Ce regard sacramentel invite à voir dans la nature un canal de grâce, un miroir du mystère divin. Détruire la nature, c’est altérer ce langage symbolique par lequel Dieu parle à l’homme.
Loin d’être indifférent ou hostile à la Nature, le catholicisme authentique en propose une vision sacrée, empreinte de respect, de responsabilité et de louange. De l’arche de Noé à Laudato Si’, en passant par Saint François d’Assise, il existe dans la tradition chrétienne un fil rouge écologique, parfois oublié, mais toujours vivant. Redécouvrir cette dimension, c’est renouer avec une foi qui voit dans chaque créature une sœur bien-aimée, et dans la Terre, un don à protéger.